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Pénuries de médicaments : où en sommes-nous ?

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Sommaire :

Les ruptures de stock de médicaments sont-elles vraiment de plus en plus fréquentes ? Selon la Ligue contre le cancer, les tensions ou ruptures d’approvisionnement de médicaments auraient explosé en France entre 2008 et 2019. Les médicaments génériques, très peu chers mais importants en cancérologie, sont particulièrement touchés.

En 2019, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm) recevait près de 1 500 signalements de médicaments en difficulté ou rupture d’approvisionnement, soit 30 fois plus qu’en 2008. Les ruptures de stocks, c’est-à-dire des médicaments qui ne sont pas disponibles en pharmacie en moins de 72 heures, ont donc considérablement augmenté ces dernières années.

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Quels sont les médicaments concernés ?

Parmi les médicaments les plus concernés, l’Ansm signale les médicaments cardiovasculaires et ceux liés au système nerveux. Mais 75 % des professionnels soignants exerçant en cancérologie auraient eux aussi déjà été confrontés à au moins une pénurie. En 2017, 22 % des produits concernés servaient en effet en cancérologie.
Cette tendance n’a rien à voir avec la crise sanitaire actuelle, mais celle-ci pourrait l’aggraver, entraînant de lourdes conséquences pour les personnes malades.

Comment expliquer cette pénurie ?

  • Tout d’abord, la mondialisation de la fabrication des médicaments pour réduire les coûts. 60 % des matières premières des médicaments sont faites en Inde et en Chine. Certaines chaînes de fabrication ont été arrêtées et les exportations stoppées en Chine pendant le premier confinement.
  • Cependant, la Covid-19 n’est pas la cause des pénuries de médicaments même si elle les accélère. Le problème est lié à la structure économique du marché du médicament qui concerne principalement les médicaments indispensables, essentiellement des génériques, très peu chers. Le brevet de ces médicaments est tombé dans le domaine public, donc il y a plus de concurrence, et forcément moins d’intérêt économique et de rentabilité. Peu à peu, les laboratoires arrêtent la production de ces médicaments pour se consacrer à d’autres médicaments, exclusifs, donc plus rentables.
  • À cela s’ajoute un circuit d’approvisionnement et de prévisions qui n’est pas optimum.

Quelles solutions pour faire face à la pénurie de médicaments ?

Augmenter la durée de stockage des médicaments
Depuis plusieurs années, les associations de défense des patients (Ligue contre le cancer, France Assos Santé,…) militent pour obliger les industriels européens à détenir des stocks de quatre mois de médicaments afin d’éviter des ruptures prolongées. De nouvelles mesures, introduites dans le Code de la santé publique en 2016, imposent par ailleurs aux industriels d’assurer un approvisionnement approprié pour couvrir les besoins des patients en France.

Définir des médicaments prioritaires
Le Leem, organisation professionnelle des entreprises du médicament opérant en France, suggère de définir un ensemble de médicaments : les MISS, « médicaments d’intérêt sanitaire et stratégique », pour lesquels une rupture entraîne un risque vital et immédiat pour les patients souffrant d’une pathologie grave. Ainsi, les anticancéreux et antibiotiques bénéficieraient de protocoles renforcés, avec des prévisions de stocks de sécurité.

Maintenir les sites stratégiques de production
Pour assurer l’indépendance sanitaire de l’Europe, le Leem propose de cartographier les producteurs de matières premières et de MISS. L’objectif est de faciliter les implantations et le maintien de sites stratégiques. Reste la question de la relocalisation des usines de production de médicaments. Aujourd’hui, à peine un médicament sur quatre est fabriqué en France. Parmi les solutions avancées, pour éviter de trop dépendre de l’Inde et de la Chine, certaines associations plaident pour la création d’un établissement public qui fabriquerait à prix coûtant.

Améliorer la distribution
Afin d’éviter les ruptures, l’Ansm pourrait également avoir son mot à dire sur l’optimisation de la gestion des commandes et des pratiques de distribution entre fabricants et distributeurs. Elle pourrait notamment mettre en place des mesures préventives pour limiter les exportations de médicaments.
Enfin, la création d’un système d’information sur les pénuries de médicaments en cours, leurs durées ou encore les médicaments disponibles pour remplacer le produit manquant a également été réclamé par les associations.
Les associations se mobilisent pour affronter les ruptures de stocks et proposent des solutions. Cependant, celles-ci peinent à se mettre en place. En attendant, les patients sont affectés moralement et subissent, pour certains, une réelle perte de chances de guérison.

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. Selon la Ligue contre le cancer, les tensions ou ruptures d’approvisionnement de médicaments auraient explosé en France entre 2008 et 2019.
. Cette tendance n’aurait rien à voir avec la crise sanitaire, même si celle-ci l’accélère et pourrait encore l’aggraver, entraînant de lourdes conséquences pour les personnes malades.
. Parmi les solutions avancées : augmenter la durée de stockage des médicaments, définir des médicaments prioritaires, maintenir les sites stratégiques de production ou encore améliorer la distribution.