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Grand âge et numérique : le retard français

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Sommaire :

À l’heure du tout numérique, le rapport du Think Tank Matières grises, rendu public en septembre dernier, est sans appel : « Le secteur du Grand Âge en France accuse, en matière de système d’informations sans lequel aucun accès à l’innovation numérique est aujourd’hui possible, un retard coupable ! ». Un retard coupable, mais surtout dommageable car les bénéfices du digital pourraient être considérables au regard des enjeux et du profil du public concerné.

Les rendez-vous manqués de l’informatisation

Alors que le développement des nouveaux services digitaux couvre un spectre très large, de la prévention au repérage des fragilités, de la domotique à la télémédecine ou à la téléassistance…, les auteurs du rapport notent « qu’ils demeurent chaotiques, inégaux et désordonnés en fonction des secteurs et des territoires ».

Rien qu’au niveau des Ehpad, l’informatisation représente un véritable levier de performance organisationnelle et opérationnelle (gains de temps engendrés par l’automatisation de certaines tâches, sécurisation des personnes et des informations, facilitation des échanges entre professionnels et avec les familles, etc.). Or, il faut noter que 15 à 20% des établissements sont très mal, voire pas du tout, informatisés concernant le dossier résident. On mesure donc les progrès à réaliser !

Grand âge et numérique

Y compris à l’échelle territoriale

Le rapport note, en effet, un retard conséquent du numérique au service d’une coordination efficace des acteurs au niveau territorial. Pourtant, l’enjeu de la coordination des acteurs, notamment au plan local, est reconnu comme un des éléments essentiels de réussite d’une politique du grand âge.

À ce titre, les auteurs signalent que « les opérateurs du grand âge ont tout à gagner des Services Numériques d’Appui à la Coordination (SNAC) pour mieux prévenir et accompagner la perte d’autonomie… ». Rappelons que les SNAC sont l’un des principaux leviers pour accompagner les territoires à la conduite du changement, et à la mobilisation des acteurs des parcours de santé. Ils favorisent un accompagnement global et décloisonné de la personne âgée.

Les principales causes de ce retard

Le rapport évoque clairement le « manque d’appétence » des dirigeants d’établissements médico-sociaux, et « l’insuffisant volontarisme de la fonction publique ». Le rapport avance aussi d’autres explications comme les difficultés à obtenir des solutions adaptées aux besoins des structures, la faible couverture par le réseau haut-débit de certains territoires, le manque d’interopérabilité des outils existants mais, également, pour les petits établissements, l’absence globale de ressources en matière de Systèmes d’Information (SI) capables de financer et de conduire des projets d’investissement et d’évolution des pratiques…

Vers une transformation numérique réussie

Sans se substituer à l’intervention humaine, qui demeure totalement centrale dans l’accompagnement, le numérique a toute sa place pour recentrer les actions des professionnels de santé sur les tâches à plus fort contenu relationnel et à plus forte valeur ajoutée et, notamment, l’accompagnement du projet de vie qui n’est pas qu’un projet de soins.

Pour que la transformation numérique soit à la hauteur des enjeux, le rapport note qu’une mobilisation forte de tous les acteurs du grand âge est indispensable : gestionnaires d’établissements et de services, Agences Régionales de Santé (ARS), conseils départementaux, ministère, éditeurs de solutions, fédérations…

Il propose également des pistes d’amélioration :

• Des SI intégrant les outils de gestion et les solutions cœur de métier :
– définition et harmonisation des processus métier, en s’appuyant sur les besoins des professionnels et leurs habitudes de travail,
– incitation à l’interopérabilité et à l’intégration des SI au sein des établissements en développant des référentiels nationaux, avec des normes documentaires communes, mais aussi en harmonisant les usages entre tous les acteurs,
– mutualisation, voire l’externalisation du SI, pour les structures isolées ou les gestionnaires de petite taille.

• Une coordination territoriale efficace servie par un environnement numérique interopérable, sécurisé et urbanisé :
– coopération accrue entre les acteurs rendue possible par l’évolution des modes de financement « dans une approche moins segmentée et moins cloisonnée entre les soins de ville, l’hospitalier, et le médico-social »,
– sensibilisation des acteurs de terrain qui connaissent peu l’ensemble des services à leur disposition, ou négligent leur utilité.

• Des services domestiques bénéficiant aux patients et aux professionnels :
– création de nouveaux services digitaux et de solutions technologiques pour alléger la pénibilité du travail et améliorer l’expérience des soignants et aides de vie,
– évaluation de ces nouveaux services digitaux, et amélioration des conditions de passage entre le stade de l’innovation et celui de la généralisation,
– constitution d’un cadre législatif et réglementaire incitatif, sans être contraignant,
– accession à ces services en passant d’une logique de financement des ressources à une logique de financement des résultats.

Pour prendre connaissance du rapport dans le détail :

https://www.capgemini.com/fr-fr/ressources/report-think-tank-invent/
article en synthèseCet article en synthèse
. Le Think Tank Matières Grises a publié en 2019 un rapport sur les enjeux du numérique pour les structures du secteur de la prise en charge des personnes âgées.
. Le document pointe le retard français, tant au niveau des établissements que des territoires.
. Il propose des pistes d’amélioration au profit des Systèmes d’Informations, des services domestiques, et d’une meilleure coordination territoriale.